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« Birdman », d’Alejandro González Iñárritu, des super-héros aux anti-héros

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« Birdman », d’Alejandro Gonzalez IñarrituL’acteur mythique  Riggan Thomson qui a interprété le superhéros Birdman tente de reconstruire sa carrière et son image à Broadway en interprétant sur scène l’adaptation théâtrale de la nouvelle Parlez-moi d’amour (What We Talk About When We Talk About Love) écrite par Raymond Carver en 1981.

Mais le narcissisme du comédien lui donne un trac insurmontable et cette remise en question l’angoisse au point de le plonger dans un véritable cauchemar éveillé.

C’est cet état de crise onirique que le cinéaste entend nous faire partager.

 

Alejandro González Iñárritu avait montré sa virtuosité dans le film choral comme Babel (2006), où un fusil bouleverse les destins de personnages sur trois continents différents. Mais, cette fois, à l’amplitude mondiale il substitue une autre forme de défi, l’étroitesse du lieu, le temps théâtral, l’unité d’action. Pour cela, il garde constamment son personnage et nous impose son point de vue en tournant tout le film en apparence comme un unique plan-séquence.

Un intérieur unique : le théâtre et la loge de l’acteur ; une journée cruciale, celle de la première. (Et on ne peut s’empêcher de penser aux affres de Gena Rowlands dans Opening night de John Cassavetes en 1978.) Une seule sortie dans la rue où l’on suit le bain de foule involontaire du comédien devient happening ou apothéose.

La mise en abyme est à plusieurs niveaux. Michael Keaton, qui a interprété le Batman de Tim Burton, semble rejouer sa propre situation, réinvestir sa propre carrière. Et le cinéaste lui-même, s’étant cru arrivé à un point de rupture au vu de l’accueil tiède reçu par son dernier film Biutiful, s’était plongé dans la méditation transcendantale. Ce personnage fictif concentre tous leurs problèmes, mais aussi tous ceux que l’ego des artistes en général peut rencontrer, surtout au théâtre où chacun, du metteur en scène aux critiques, croit détenir la vérité.

Comédiens, amis, enfants défilent dans cette loge devenue le miroir d’une identité dispersée, de la perte des garde-fous et dans ces couloirs qui symbolisent la fuite des certitudes. Le monde du théâtre y comparaît avec ses fragilités, sa solidarité, sa schizophrénie.

Cette mise en scène d’une audace sans pareille dégage une énergie incroyable qui a visiblement fasciné le jury des Oscars. Mais son intelligence, son excès même de virtuosité dérangent. Trop c’est trop. Et la métaphore finale prend une telle ampleur qu’elle écrase le film sous le kitsch. Entre le mastodonte ailé et la légèreté de Boyhood, le chef-d’œuvre de Richard Linklater, les Oscars ont tranché. Avec une lourdeur regrettable.

Anne-Marie Baron

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